• La Suisse et le génocide à Gaza – Quelle responsabilité?

    Selon le propos introductif, il s’agit dans ces « billets » de partir de «dits» émis dans ce magma du «Nous collectif» qu’est la marmite médiatique.

    Silence de la Suisse sur le jugement du 26 janvier de la Cour internationale de justice

    Le premier « dit » dont je pars est, en fait, un silence …

    Avez-vous remarqué : dans nos médias, aucun politique suisse ne s’est exprimé sur le jugement du 26 janvier de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans lequel elle estime plausible le risque génocidaire de la campagne militaire conduite par Israël à Gaza ? J’ai épluché : pas trouvé une seule réaction officielle.

    Je ne m’aventurerai pas ici dans la tentative d’apprécier si Israël a honoré les mesures exigées par la Cour. La réponse brève est clairement non, mais renonce ici à l’établir. Le point qui m’arrête ici est ce silence unanime de la classe politique helvétique au pouvoir (=UDC, PLR, Centre) en réponse à la décision de la Cour. Pas une réaction. Pour les politiques suisses, le jugement du 26 janvier n’a pas eu lieu. Silence. Silence… Serait-ce que la Suisse n’est pas membre de ladite convention ? Si, pourtant …

    … Accusations d’Israël contre l’UNRWA : la Suisse «extrêmement préoccupée»

    Mais, suspendons notre jugement et poursuivons. Le jour même, Israël accuse : des employés de l’UNRWA ont participé aux massacres du 7 octobre. Dès le lendemain au plus tard, « La Suisse s’est déclarée “extrêmement préoccupée” par ces allégations » (24H, 29.01.24, p.15). Là, réaction immédiate de nos autorités.

    Contraste saisissant. Risque génocidaire à Gaza dit la CIJ : nos autorités ne pipent mot. Accusations contre l’UNRWA par Israël : elles font aussitôt part de leur extrême préoccupation. Non pas seulement préoccupées, mais « extrêmement ». Clarifions et schématisons le contraste : nos autorités n’expriment aucune inquiétude par rapport au risque génocidaire conclu par la CIJ. A tel point que …elles n’en disent … rien, tout simplement rien. Niveau de préoccupation y relatif : zéro. Pour nos autorités, ça n’est pas un enjeu ; pas un souci du tout. Ce qu’elles expriment en s’abstenant de toute réaction.

    Non qu’elles aient des raisons de penser qu’il n’a pas lieu : elles seraient fort mal placées pour en juger. Mais bien plutôt que, avéré ou non, ce risque ne les inquiète pas ; ne leur fait ni chaud ni froid. Familièrement, on dirait qu’elles s’en tapent. Ou encore, plus exactement peut-être : ce n’est pas leurs oignons. Entendez, la Suisse n’a pas d’affaires avec les Palestiniens ; elle n’a pas de relations commerciales avec eux. Partant, elle n’a aucune raison de se préoccuper de ce qui leur arrive puisque cela n’aura aucune incidence sur les affaires du pays, càd sur les entreprises qui le font et le font vivre. Donc, ce qui arrive, ou non, aux Palestiniens ne préoccupe pas nos autorités. Génocidés ou pas, cela ne fera aucune différence pour nous. Ergo, zéro préoccupation.

    Cette conclusion se déduit, nécessairement, de leur silence… En clair, le sort des Palestiniens ne s’inscrit pas dans l’horizon de leurs préoccupations. Il leur indiffère de savoir ce qui leur arrive ; ici : qu’ils vivent ou qu’ils agonisent. D’ailleurs, elles n’ont, que je sache, jamais dit quoi que ce soit au sujet de l’occupation, de la dépossession continue, de l’apartheid imposé aux Palestiniens par Israël ; ont-elles jamais critiqué le harcèlement continu des Palestiniens par les Check points en augmentation, les humiliations répétées contre la population, les raids réguliers n’importe où dans les agglomérations palestiniennes, la dépossession continue qu’y subissent les Palestiniens dans les dits territoires occupés. Je n’ai de ma vie entendu un membre de nos autorités fédérales tenir des propos allant dans ce sens et, clairement, la prise de position[1] officielle de la Suisse sur le conflit n’en dit mot.

    Colère des milieux d’affaire contre le directeur de l’UNRWA, le suisse Ph. Lazzarini

    À l’opposé, les accusations israéliennes contre les agences de l’ONU actives en Palestine trouvent, elles, un écho attentif et compréhensif dans l’oreille de nos dirigeants et dans les médias bourgeois – y a-t-il, en Suisse un média qui ne le soit pas ? parmi les « grands médias », aucun, je le crains –, elles trouvent des acteurs prompts à faire mousser les accusations israéliennes. Ainsi la NZZ, dans l’affaire des accusations contre l’UNRWA monte un dossier à charge contre l’agence et son directeur, suisse, disant, sur un ton menaçant, que son action nuisible pour la Suisse doit cesser. Pour le journal, la véracité des allégations israéliennes n’est même pas soulevée. Par définition, ce que dit Israël, vrai ou non, doit impérieusement être pris en compte. On pourrait pourtant demander en quoi ce qui se passe à l’UNRWA serait nuisible pour la crédibilité de la Suisse, au fait ? Parce que son directeur est suisse? Mais il n’est pas là parce que suisse, mais parce que compétent pour diriger une agence dédiée à assurer aide et soutien à une population de réfugiés; et c’est au vu de cette appréciation qu’il a été engagé par le Secrétaire général Antonio Gutteres. Or cette affirmation de la nuisance pour la Suisse de Lazzarini ouvre l’article du 12 février et est posée comme une évidence. Elle ne reçoit aucune explication, en sorte qu’on doit la reconstruire. Selon cette ligne, probablement : le crédit qui est en jeu est celui de la Suisse comme partenaire d’affaires avec Israël et, au-delà, avec tous les alliés d’Israël (USA, Allemagne, UE, UK, France, Australie, Canada, etc.), lesquels comptent, comme par hasard, parmi nos principaux partenaires économiques. S’il est un crédit qu’il pourrait être dommageable d’atteindre, c’est celui auprès de ces « terrains de jeu » de l’industrie d’exportation de notre pays. La seule nationalité suisse du directeur d’une agence désormais dans le collimateur des plus importants partenaires d’affaire de la Suisse pourrait nuire à ce crédit. Au regard duquel, évidemment, le sort des Palestiniens ne pèse tout simplement pas. Du coup, la Suisse ne peut pas être neutre, en dépit de ce principe qu’elle brandit à tout bout de champ. Être neutre entre Israël et les Palestiniens mettrait en péril bien trop de « bonnes affaires ». Cela n’est pas envisageable. Comme c’est la règle en capitalie, les affaires commandent la diplomatie. Or, la Suisse fait d’excellentes affaires avec Israël. Le site du DFAE l’affirme sans ambages : « Les relations bilatérales entre la Suisse et Israël sont bonnes, empreintes de confiance mutuelle et marquées par une étroite coopération dans les domaines culturels, scientifiques et, plus récemment, de l’innovation[2]. » La question palestinienne y est brièvement évoquée, mais en passant, cependant que bientôt on arrive au dessert : « En 2022, le volume des échanges bilatéraux s’élevait à CHF 1.85 milliards. ». Sans doute, un tel montant absolu paraît bien maigrichon à côté des échanges avec l’UE qui dépassent les CHF 420 milliards. Mais Israël, c’est en même temps une porte ouverte sur les Etats-Unis, sur l’Allemagne, partenaires commerciaux de première importance. La suite de la présentation insiste sur les échanges scientifiques et souligne l’ouverture du pays à accueillir « des chercheurs et artistes israéliens », vivement invités à déposer des dossiers de candidature pour des bourses d’excellence. Un lien renvoie à la page où figure la position de la Suisse sur le conflit israélo-palestinien. Là, l’exposé est très bref et consiste en la ritournelle de la solution à deux États, contre laquelle précisément œuvre toute la collaboration privilégiée avec Israël mentionnée sur la page exposant les relations bilatérales du pays avec Israël. Le partenaire d’affaire Israël, ainsi que tout son réseau au sein de l’empire états-unien, est de fait la partie avec laquelle la Suisse fait alliance – nonobstant la neutralité. Et dans le cas d’espèce, pas un UDC pour brandir la neutralité foulée aux pieds par tout l’establishment affairo-politique du pays. C’est cet arrière-plan qui explique la tonalité de l’article de la NZZ – entièrement acquis au point de vue d’Israël sur la question. Ce n’est pas un article sur l’affaire, c’est un plaidoyer à charge par un porte-parole d’Israël (ou de l’administration Biden ?). Ainsi, à aucun moment il ne parle de l’occupation, de l’apartheid, de la dépossession continue et l’assujettissement et humiliation subis par le peuple palestinien depuis 75 ans, et son accroissement avec l’occupation depuis 1967. On objectera à notre remarque qu’elle est hors sujet, que l’article ne peut parler de tout. Sans doute, sauf que, à l’instar de toute la diplomatie helvétique, il tait le jugement de la CIJ alors que les accusations contre l’UNRWA ont tout à faire avec celui-ci, puisqu’elles en sont le contre-feu lancé à dessein par Israël pour donner un os à ronger à ses alliés. En tartinant à l’envi sur la responsabilité de Lazzarini dans la sympathie pour le Hamas des employés de son agence, la NZZ se fait le relai de cette grenade dégoupillée – et de la silenciation du jugement de la CIJ confirmant la pente génocidaire du matraquage militaire de Gaza par Israël. Si son poste dépendait de la Confédération, nul doute qu’il aurait déjà été dégagé. Mais le pouvoir de la NZZ sur les instances de nomination à l’ONU n’est pas aussi direct. Ce qui, sans doute, n’est pas sans expliquer la virulence du journal contre lui : il faut en mettre d’autant plus de couches pour bien faire entendre « notre » exaspération. Mais cela, apparemment, ne suffit pas encore : Lazzarini, à ce jour, est encore directeur de l’UNRWA, et fort heureusement.

    Ce qui est parfaitement révélateur de la position de la Suisse dans cet article est qu’il fait comme si les allégations d’Israël étaient reconnues valides par « tout le monde » et comme si l’indignation qu’il relaie contre l’UNRWA était universellement partagée – alors que de nombreux pays ont exprimé leur doute sur ces accusations et leur soutien au travail de l’UNRWA ; et soulignent en outre, qu’à ce jour, Israël n’a produit aucune preuve probante de ces allégations – contrairement à l’appréciation élogieuse de Blinken affirmant la solidité du dossier que lui a présenté Israël.

    Certes, ces réserves proviennent du Sud plus que du Nord. Mais l’Espagne, l’Irlande, la Belgique ont confirmé, voire augmenté leur soutien alors que les pays ayant annoncé la suspension de leur financement – Etats-Unis, Royaume Uni, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Japon, Finlande, Australie et Canada – représentent plus de la moitié du budget 2022 de l’agence. Et la Suisse, fière, indépendante et neutre, se joint à cette cabale indigne … et en rajoute une couche en interdisant le Hamas dans le pays pendant 5 ans, ainsi que les organisations qui y sont « apparentées », allez savoir ce que ça veut dire… Et nos autorités de nous promettre que ce sera là « gage de sécurité juridique » et d’« effet préventif et répressif » (RTS, 21.02.24). Comme si le Hamas avait jamais frappé en Suisse et n’en avait jamais eu l’intention ! ça s’appelle de la gesticulation-effet d’annonce pure esbrouffe à destination des « pays alliés-amis d’Israël » pour leur signaler qu’on est de leur côté. La décision-type purement symbolique et totalement vide d’effets – sinon, de re-re-redire à Israël : on est à 200% de votre côté, avec vous, on vous soutient dans tout ce que vous faites, particulièrement tous ces crimes contre l’humanité (au carré, sinon au cube) que vous commettez en rafales et pour lesquels vous êtes si injustement mis au pilori par tous ces islamo-gauchistes qui ne se sont jamais sali les mains, pas comme vous !

    Comme décision ridicule, guère possible de faire mieux. Notre gouvernement l’a fait : pro-israélien jusqu’au bout des ongles, il fallait bien qu’il l’expose de manière un peu forte, n’est-ce pas ? Enfin, cette décision a un avantage : vu la probabilité que des gens du Hamas viennent en Suisse était de toute façon proche de zéro, son coût pour les finances publiques du pays sera proche de zéro. A l’inverse, s’il avait fallu faire quelque chose pour prévenir le génocide à Gaza, vrai que ça, ça aurait engagé des ressources – … et entraîné des inconforts diplomatiques avec nos plus proches partenaires d’affaire sans nul doute désagréables. En particulier l’Allemagne, où ce week-end (24-25 février 2024) à la Berlinale des artistes se sont fait rabrouer violemment pour antisémitisme par de nombreux politiques pour avoir dénoncé le génocide (https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/02/26/la-berlinale-dans-la-tourmente-apres-des-propos-sur-israel-lors-de-la-remise-des-prix_6218535_3246.html). On se pince : dénoncer le génocide en cours, avéré par la CIJ, vaut en Allemagne l’accusation d’antisémitisme. On comprend l’empressement frileux de notre pays à adopter en fanfare toutes ces mesures pro-israéliennes étant donnée l’importance du partenaire commercial allemand.

    Consolons-nous en nous disant que, comme ça, n’est-ce pas, on va faire des économies. Plus de morts en Palestine coûte moins d’argent au trésor suisse que de tenter de faire obstacle au génocide en cours. Ainsi, à défaut de soulager notre conscience, on soulage notre porte-monnaie. Comme quoi, même les économies ont un coût, pas ?  Vrai aussi, du coup, qu’on ne pourra accuser notre gouvernement de jouer les girouettes : la constance dans la décision d’ignorer le jugement de la CIJ et de mettre les mitrailleuses en mode rafale à l’annonce par Israël de ses allégations contre l’UNRWA est indubitable : aux côtés d’Israël un jour, aux côtés d’Israël toujours. Sans égard à ce qu’Israël fait : il est notre allié et qu’il tue, massacre, emprisonne, torture, etc. selon son bon plaisir, c’est son bon plaisir et nous n’avons pas prétention à le juger. Nous le soutenons in-dé-fec-tible-ment !!! Notre parole d’honneur est de déshonneur !

    Bon, oui. Vous avez raison, j’en fais trop là. Trop. Beaucoup trop. Mais c’est que je deviens fou à la connerie des décisions de notre Super con-conseil fédéral – particulièrement lorsqu’il décide autour d’Israël. Là, plus aucun principe ne vaut. La Suisse pourrait bien être accusée de complicité active au génocide en cours à Gaza, mais elle persiste, sans barguigner, sans regarder, apparemment, le carnage dans Gaza. Elle pourra quand même difficilement dire : je savais pas ! Crédibilité … zéro ! Donc, complicité en complète connaissance de cause … va chercher dans les combien, ça devant la CPI ?

    … Oui, je sais … je déconne … probabilité que ça ait jamais lieu égale à zéro. Nos criminels de dirigeants peuvent dormir tranquilles …


    [1] https://www.eda.admin.ch/eda/fr/dfae/dfae/aktuell/dossiers/ch-position-nahostkonflikt.html

    [2] https://www.eda.admin.ch/countries/israel/fr/home/relations-bilaterales/bilaterale.html

  • Génocide en cours. Ne pas déranger !

    « Un million de personnes dans une prison physique bombardées

    par des armes fournies par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.

    Je ne peux concevoir rien de plus dégoûtant que

    ce à quoi nous assistons sur nos écrans présentement. »

    J. Corbyn

    « Je ne crois pas qu’Israël va s’arrêter avant d’être convaincu

    d’avoir mené à terme le travail commencé en 1948. »

    Max Blumenthal, éditeur de The Grayzone

    L’enjeu de ce bloc est multiple. Il s’agit d’y penser la question palestinienne, enjeu majeur pour toute pensée animée par l’émancipation. Elle est aujourd’hui, peut-être, sinon le, en tout cas un cas emblématique de l’échec de l’émancipation promise par la modernité. En tout cas un des plus parlants. C’est dans l’horizon, sous la lumière de l’émancipation qu’il s’agit de le penser en tant qu’échec exemplaire. Qu’est-ce qui n’a pas marché et pourquoi ? Une deuxième dimension de l’effort entrepris ici est qu’il s’agira de cerner cette question non tant en elle-même, que telle qu’elle se donne à nous dans le regard porté sur elle depuis ailleurs ; plus précisément, depuis un ailleurs déterminé. Le plus souvent, il s’agira du nôtre. Du point de vue que nous portons sur cette question. Qu’en apprenons-nous ce faisant ? mais aussi que sommes-nous susceptibles d’apprendre sur nous à l’examen de notre regard.

    Deux nous distincts, relevons-le : celui que « nous » sommes, « spontanément », en vertu d’une appartenance à une histoire, à un espace-temps déterminé dont « je » reprends, par simple osmose progressive, la langue, les coutumes, les préjugés, les modes, les goûts, les jeux, les ambitions, les « rêves », etc., etc. Le second, c’est celui qui, se sachant partie de ce nous – aux frontières difficiles à tracer – s’attache, non pas tant à le mettre à distance qu’à l’objectiver, le nommer au moins dans certains de ses « caractères ». Entrer ainsi dans un nous spectateur et analyste de lui-même, s’attachant à élucider tant que faire se peut, ce qui le constitue et le meut. Afin de mieux se comprendre, de mieux cerner ce qui fait ce « nous » auquel, quoi qu’on en ait, nous restons et resterons attaché par tous les fils de notre être. Lucidité n’est pas ici distance, regard sur ce nous comme si nous pouvions ne plus l’être.

    En somme, regarder notre regard sur la question palestinienne et nous efforcer d’en apprendre quelque chose … sur ce qui constitue notre regard, le construit, l’entretient.

    Quand je dis « nous » ici, ce n’est pas de « moi » dont il s’agit. Même si, bien sûr, je participe de « nous ». Mais en participer ne veut pas dire s’y confondre. Méthodologiquement, le corollaire de ce geste de se diriger vers « notre regard » sur X signifie qu’aucun discours issu de « nous » n’est à privilégier ou à exclure. Dit de manière brutale, anything goes. Disons, pour nuancer le propos, que tout discours en tant qu’il vise la chose et se rapporte à elle à partir de son enjeu en dit forcément quelque chose. Quelque chose qui touche à elle telle qu’elle affecte, impacte le regard et son discours. Et qu’est-ce que ce discours sur la chose dit de notre rapport à l’émancipation, en tant qu’exigence universelle d’un « amour révolutionnaire entre les peuples » (Bouteldja).

    La condition adoptée ici pour retenir un discours comme point de départ de notre analyse est qu’il soit chargé d’enjeu pour son locuteur ; et du coup révélateur d’où il parle et comment, à partir de ce site, il cerne ce qu’il en est pour lui de la chose dont il parle. Le point de vue ici n’est donc pas celui de la « chose en soi », à supposer qu’un tel accès soit seulement possible. De fait, nous ne le visons même pas. Nous ne voulons pas savoir « l’en soi » de la société palestinienne, à supposer que cette formule ait un sens. Ce que nous voulons, c’est mettre au jour le sens, la portée de la Palestine pour nous qui en parlons ; et encore une fois, dans la perspective de l’émancipation. De la nôtre aussi bien que de la leur.

    A ce stade, il serait logique qu’on me demande ce que j’entends par « émancipation », que j’en donne le concept. C’est clairement me mettre au défi : si tu sais même pas définir ton point de vue, comment peux-tu seulement entamer ton propos vu la centralité de cet enjeu dans ce que tu as défini préalablement ?  A défaut de produire ce concept, je ne serais pas « sérieux », conséquent. A quoi je répondrai que je souhaite ne pas enfermer l’émancipation dans une camisole de force qui justifierait toutes les répressions et contraintes nécessaires pour son advenue et son maintien. Un peu à la mode Pitesti. D’un autre côté, ma conviction s’est renforcée qu’il y a des conditions antinomiques avec l’émancipation en tout temps et tout lieu. Il importera, en temps et en lieu, évidemment de tenter de les mettre à plat comme ce qui doit être évité à tout prix en tant que strictement incompatible avec toute conception universaliste plausible de l’émancipation. En sorte que mon point de départ sera moins ce qu’est l’émancipation que ce qui, a minima, lui est antinomique. Et il s’agira pour moi, moins de le penser abstraitement qu’au travail de décryptage de situations.

    Tenter en somme, une philosophie politique de la liberté comme émancipation en prenant pour point de départ des « dits » en situation ; et s’y mettre en quête de l’émancipation comme enjeu.

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    Bientôt sur cette page mes billets d’humeur.